Mépris, oubli, manque de moyens et système D. Voila avec quoi la psychiatrie doit s’organiser.
Les salarié.e.s de l’hôpital Philippe Pinel (Amiens) connaissent bien cet état, eux.elles qui en sont à plus de 150 jours de grève et après 109 jours de bivouac. Face à la fermeture de quatre services en quatre ans (soit pas moins de quatre-vingt-dix lits supprimés et les postes de soignant.e.s qui vont avec) les agent.e.s ont décidé de s’organiser eux.elles-mêmes, au-delà des étiquettes politiques, en recevant uniquement l’aide logistique de la CGT, Sud et FO (mais que fait la CFDT ?). Il ne s’agit pas d’une lutte pour des conditions salariales un peu moins indécentes, mais bel et bien de pouvoir soigner et prendre en soin dignement des personnes en souffrance. Aujourd’hui, c’est quasiment impossible ! La fermeture des services oblige ceux déjà surchargés à accueillir d’autres patient.e.s. Seuls les soins de bases sont assurés, avec deux soignant.e.s pour vingt-six patient.e.s, logeant toutes et tous dans des chambres doubles ou parqué.e.s dans des dortoirs de quatre. Parallèlement, les instances supérieures n’ont pas hésité à vendre certains terrains pour ouvrir une clinique privée de psychiatrie. Tou.te.s égaux.les devant la maladie, mais pas pour l’obtention des traitements !

Le corps médical n’est pas en reste, avec le désespoir et l’abandon des médecins qui, lassé.e.s de se voir confronté.e.s à un mur, ne veulent plus jouer au simple « gardien.ne de fous.folles ». Ce mur, c’est celui de l’Agence Régionale de la Santé (ARS), qui refuse catégoriquement le dialogue collectif. La demande du collectif « Pinel en lutte » est clair : une table ronde réunissant tous les acteur.rices, syndiqué.e.s ou non, afin d’éviter le double discours. Après une première occupation infructueuse et une deuxième jusqu’au 14 juillet s’étant soldée par une évacuation musclée à cinq CRS pour un soignant, les « Pinel en lutte » ont décidé de mettre en place un campement de grève devant leur hôpital. Pour cela, ils.elles peuvent compter sur la solidarité et le soutien de l’opinion publique. Ainsi que sur le soutien des autres hôpitaux psychiatriques en lutte (Rouen, le Havre, Clermont de l’Oise, Prémontré…), permettant une véritable convergence des luttes et une recherche d’alternatives au système actuel, et pourquoi pas d’avoir un véritable écho national !

Devant ce mur, les « Pinel en lutte » avaient rendez-vous le 25 septembre, sous la bonne garde des CRS et d’agents de sécurité privés, un mur qui voulait séparer le mouvement en ne recevant que les représentant.e.s syndicaux.les. Condition irrecevable pour les « Pinel en lutte » qui clament la solidarité : « tout le monde ou personne à l’ARS ! »
Personne ? Non !! Il existe une irréductible force CFDT qui pense pouvoir faire son beurre de son côté, en oubliant au passage sa totale absence de collaboration au Collectif, malgré la présence de ses militant.e.s. Rien de tel que de petites négociations dans le dos de ceux et celles qui se battent. Une pseudo table-ronde s’entame alors qu’un rassemblement de soutien gonfle devant les grilles closes de l’ARS. Strictement rien n’en ressort.

Depuis ce jour, la grève continue, aux yeux de tou.te.s. Malgré les tentatives de désinformations de l’ARS, les renvois de responsabilité entre les directions de l’Hôpital et celle de l’ARS, la « vie » s’organise, et le soutien ne faiblit pas. De tractages en actions coup de poing, le Collectif compte bien se faire entendre !
Après avoir été en tête de cortège le mardi 09 octobre et s’être enchaîné aux portes de l’ARS le mercredi 10 octobre, la semaine finit le vendredi 12 octobre en une journée de mobilisation et de négociation avec la direction de l’hôpital. Toujours sur le qui-vive et dans le but d’informer de la situation qui, sans remède, ne pourra qu’empirer, le 3 novembre est devenu une journée de mobilisation et de soutien ouverte à tou.te.s.

Parfois, la folie est la meilleure solution pour appréhender le monde qui nous entoure.

I.S.P.