Le Géographe se prélassait dans la couche conjugale. Il s’apprêtait à terrasser la flamme de la bougie d’un souffle mais sa femme attentionnée se trémoussa pour avoir sa pitance. C’était sa façon à elle de lui signaler son désir passager. Ils firent donc commerce. Une paire de minutes plus tard, essoufflé, la monnaie rendue, étalée sur le comptoir et la cervelle en ébullition, le Géographe aperçut des veines bleues qui parcouraient les seins de sa mie. Il ouvrit de grands yeux, l’idée était fulgurante, fracassante. Il ne dormit pas de la nuit. Dès l’aube, il présenta la gorge de sa femme à tout le Conseil des Prudes qui, terre à terre, tâtèrent, scrutèrent les mamelles avec la plus grande attention. Le Géographe, fier comme un coq, observa scrupuleusement les sentiers sinueux, redécouvrit la gougoutte à bobonne.
– C’est proprement incroyable ! lança le plus vieux des Sages. Sur ce sein est marquée la carte de notre région ! il prit soin de suivre les différents chemins de l’index. Vous voyez ?
D’autres Sages pénétrèrent dans la yourte et s’improvisèrent eux aussi scientifiques.
– Regardez ça ! s’écria l’un d’eux.
Tous s’approchèrent et, étonnés, tâtonnèrent. Au bout de l’une des indénombrables pistes bleues était dessinée une croix rouge faite de petits vaisseaux.
– C’est fabuleux !
On roula des mécaniques, on prit des pelles, tirant la dondon par la main, la malmenant presque. A l’endroit indiqué sur le sein des seins : une veine de corindon rouge, un trésor inestimable de mère nature dont on tire les rubis. La femme du Géographe fut donc gardée en observation. Des larmes tombèrent sur sa carte intime…
Quelle ne fut pas la surprise du Géographe lorsque, le soir même, avant de se coucher, il vit un semblable plan sur la peau de ses testicules.
Il se garda bien d’en parler à ses confrères.
Achéron