Courant avril, j’ai fait une belle découverte sur Amiens, quasi fruit du hasard, juste par bouche à oreille : la coopérative alimentaire autogérée « le peuplié ».
Un samedi après-midi, j’arrive au 161 rue Dejean, derrière la gare SNCF. Le local se situe dans un ancien hangar industriel. À l’intérieur, le contraste est saisissant, l’austérité de l’extérieur laisse place à un espace fraîchement refait à neuf, aéré et lumineux.
Les rayonnages sont solidement fournis en produits bio et/ou locaux très divers et à prix coûtants : pâtes, riz, légumineuse, condiments, jus, conserverie, café, thé… La présence des frigos laisse présager l’arrivée prochaine des produits frais.
Dans la petite pièce attenante, on entrevoit un espace « jeux » pour les mômes ; idéal quand on est parent.
Ce samedi, le local ressemble à une fourmilière : jeunes comme moins jeunes, hommes comme femmes, tous se côtoient pour y faire leurs courses mais pas que… Ça discute des produits, des recettes de cuisine, d’idées de nouveautés à ajouter au stock.
Car ce qui détonne, c’est la méthode. Ici, pas de clients, pas de caisses, pas d’argent, pas de salariés. On sort complètement du modèle marchand dominant. Le fonctionnement est d’une grande simplicité : chaque coopérateur verse une contribution d’avance pour participer à la constitution d’un stock de marchandises, note, lui-même, au fur et à mesure ses achats sur sa fiche, renfloue lorsque son crédit s’épuise et ainsi de suite.
Aussi, ici, l’organisation est horizontale : pas de bureau dirigeant, pas de chefs. Chacun s’implique dans l’organisation de la coopérative (réception des commandes, mise en rayon, approvisionnement, nettoyage…) et chacun peut être à l’initiative en proposant de nouveaux produits.
Politiquement, ce projet revêt deux aspects forts intéressants.
D’une part, il s’agit d’une réappropriation de notre alimentation en recherchant des produits de qualité accessibles au plus grand nombre et en valorisant la production locale au détriment des appétits mercantiles des géants de la grande distribution. D’autre part, ce projet, par son fonctionnement horizontal et antiautoritaire, tend vers l’émancipation en réapprenant aux individus à agir collectivement sur leur présent, en toute autonomie et en toute liberté.
Ceci tranche avec le modèle dominant actuel reléguant trop souvent les gens aux rôles passifs et mortifères de consommateur, de salarié et d’électeur.
Sitting Boule