Depuis le mois de novembre et l’émergence du mouvement des gilets jaunes, un bon nombre de personnes demande la reconnaissance légale du référendum d’initiative citoyenne (RIC), voire une inscription de ce principe dans la constitution de notre trop chère « République ».


Sur le fond, l’idée paraît séduisante… Ce dispositif est en effet une recherche de davantage de « démocratie » et serait un outil de réappropriation de la vie politique par le corps citoyen. Son principe est relativement simple : lancer de grands débats sur des sujets précis, organiser dans la foulée de vastes campagnes de pétitions signées par un grand nombre de citoyens ; et ensuite, si le nombre de signataires est suffisant, déclencher des référendums où la population serait invitée à répondre par oui ou non.

C’est beau comme du Rimbaud !


Ce qui est aussi relativement stimulant, c’est de contourner les instances dites « représentatives » dans un contexte où les hommes et femmes politiques sont de plus en plus discrédités : trahisons fréquentes des grandes promesses de campagne électorale, déconnexion quasi complète des élites politiques vis-à-vis des besoins réels des populations, scandales financiers…

D’ailleurs, il est plutôt drôle de constater les mouvements de rejet du RIC par les politiciens. Ces derniers ont la trouille de voir leur rôle et leurs belles « carrières » s’envoler comme une nuée de moineaux. Potentiellement : exit les avantages et les sièges douillets.


Néanmoins, le RIC pose certains gros problèmes de base car son hypothétique mise en œuvre se ferait dans le cadre « républicain ». La grande question concerne le poids qu’il pourrait prendre dans les grandes orientations politiques par rapport aux institutions représentatives existantes. Inutile de préciser que les responsables politiques, bras armé des élites économiques et financières, feront l’union sacrée pour en amoindrir la portée et en vider la substance.


Comme le diable se cache toujours dans les détails, un certain nombre de questions se posent.

Quel serait le nombre requis de signataires pour enclencher la procédure référendaire ? Réunir cinq-cent-mille signatures est plus simple que d’en réunir cinq millions. Quelle serait la durée d’un débat public ? Un temps long serait souhaitable pour permettre une réelle réflexion sans émotion et sans « spectaculaire ». Tous les thèmes pourraient-ils être abordés ? Un RIC sur la sortie immédiate du nucléaire ferait ruer dans les brancards, vu les politiques pro-nucléaires de l’État français depuis les années 1960. Un autre problème concerne les modalités de débats, et notamment le rôle des médias de masse qui auraient une place prédominante dans la parole publique. C’est quasi mécanique. Le sujet n’est pas de mettre la profession de journaliste à la poubelle, mais il ne faut pas oublier qu’ils ont des patrons autant dans le public que dans le privé. Ces médias sont d’une grande utilité pour les classes dirigeantes : ils permettent d’imposer leur domination culturelle pour ancrer les structures capitalistes dans les esprits. Et il faut bien avouer que la fabrique du consentement marche à plein régime en servant aux populations du prêt-à-penser avec un grand renfort d’arguments dénués de critique.


Non, réellement, le RIC n’est pas une solution miracle. L’État et ses sbires ne se laisseront pas déborder. Les anarchistes prônent depuis plus de 150 ans, l’auto-organisation des populations hors des structures étatiques. Les exemples passés et présents le démontrent : l’Espagne libertaire de 1936, les communautés autonomes du Chiapas au Mexique, les ZAD.

Les victoires sont possibles à condition de se dégager des carcans existants…


Sitting Boule