Parmi les formules publicitaire-mensongères et les néologismes produits ad-nauseam par le gouvernement, il y a une expression qu’il est nécessaire d’analyser, même brièvement, tant elle a été reprise sans recul critique par une large partie de la gauche politique et syndicale.
La formule « distanciation sociale » s’est propagée dans de nombreux discours engendrés par la crise sanitaire liée à l’épidémie de COVID-19, qu’ils soient institutionnels, médiatiques ou privés, et quels que soient leurs supports.

Les personnes peu sensibles aux phénomènes de mode langagiers se seront peut-être plongées dans un dictionnaire afin de s’assurer du sens, voire des sens, de « distanciation » et éventuellement de celui, ou de ceux, de « sociale », car, sauf à consommer de la propagande comme on consomme du fast-food, l’expression « distanciation sociale » ne semble pas aller de soi si le but est de définir l’éloignement physique de deux corps à des fins de protection sanitaire.
Sur le site internet du Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales, une des définitions de « distanciation » est : « Écart, refus de relation existant entre différentes classes sociales ». Un exemple est donné de son emploi sous la forme d’une citation d’un ouvrage des sociologues Joffre Dumazedier et Aline Ripert intitulé Loisir et culture : « Vivons-nous la fin de la « distanciation » sociale du siècle dernier ? Les phénomènes de totale ségrégation culturelle tels que Zola pouvait encore les observer dans les mines ou les cafés sont en voie de disparition ».
Donc, si l’on traduit les circonlocutions fangeuses des factotums ministériels actuels et de leurs chiens de garde des médias de masse, pour limiter la propagation d’un virus, il convient de refuser les relations existantes entre différentes classes sociales, autrement dit, il faut renforcer les systèmes de ségrégation. C’est bel et bien ce qui se passe dans la gestion de l’épidémie, et cela n’est malheureusement pas étonnant venant d’un gouvernement d’apprentis nazillons à la solde du capitalisme et héritiers d’une tradition de destruction du service public.

Il est par contre regrettable que des militants se revendiquant de la lutte des classes tombent dans le piège et fassent le jeu de l’ennemi. Doit-on y voir un affaiblissement de la conscience de classe et des réflexes qui lui sont liés ? C’est possible. Ce qui est par contre certain c’est que la crise actuelle du COVID-19 démontre par de multiples aspects que la priorité politique est la destruction de l’économie capitaliste et l’éradication de la bourgeoisie. Bien évidemment, les mots n’y suffiront pas.

Bernoine