Le mouvement social de mai-juin 1968 a été marqué par d’importantes grèves qui ont touché de très nombreux secteurs. Mais ces grèves n’ont pas simplement succédé au mouvement étudiant. Dès l’année 1967, plusieurs grèves ont déjà éclaté, comme à Mulhouse, Le Mans et Besançon. À Caen, en janvier 1968, trois usines ont débrayé : la Saviem, Jaeger et Sonormel, avec pour objectifs la hausse des salaires et l’augmentation des droits syndicaux. Les ouvriers, soutenus par les étudiants et une partie de la population ont ainsi affronté la police lors de ce qui fut « la plus grande manifestation jamais organisée depuis l’après guerre à Caen sur le plan revendicatif »1.

Atelier populaire de l’ex-école des Beaux-arts de Paris.
Sérigraphie, 17 mai 1968.

Face à l’effervescence de la mobilisation étudiante depuis le mouvement du 22 mars, et en réaction à la répression lors de la « nuit des barricades », la CGT et la FEN appellent à une journée de grève générale le 13 mai. La grève illimitée commence à partir du 16 mai. Le nombre de grévistes va augmenter à mesure de l’extension du mouvement à de nouveaux secteurs. Ainsi sont touchés l’enseignement supérieur, la métallurgie, où ont lieu les premières occupations d’usines (comme à Renault-Cléon, Le Mans, ou Sud-Aviation de Nantes-Bouguenais), les transports (paralysie de la SNCF et de la RATP, des transports en communs à Toulon et Marseille), les imprimeries, puis l’ORTF (douze mille grévistes partout en France du 17 au 23 mai)… Le 24 mai, au plus fort du mouvement, se comptent dix millions de grévistes en France, tous secteurs confondus, luttant pour une amélioration des conditions de travail et pour un gouvernement populaire.

Sur le plan politique, les négociations entre les syndicats et le gouvernement les 26 et 27 mai mènent aux Accords de Grenelle qui prévoient notamment la création des sections syndicales d’entreprise, permettant une reconnaissance des syndicats au sein même des entreprises. Ces accords sont jugés insuffisants par la plupart des grévistes qui refusent pour la plupart de reprendre le travail. Malgré tout, le mouvement s’estompe progressivement, jusqu’à la dissolution de l’Assemblée Nationale et à la victoire gaulliste des élections législatives du mois de juin.

Atelier populaire de l’ex-école des Beaux-arts de Paris.
Sérigraphie, début juin 1968.

Pendant le mouvement, de nombreux bâtiments, usines, dépôts, locaux, ont été occupés. Au-delà des revendications portant sur la hausse des salaires et la diminution du temps de travail, c’est toute l’organisation sociale du travail qui a alors été questionnée. Ainsi des initiatives auto-gestionnaires ont fleuri partout en France, se manifestant parfois à travers des convergences entre travailleurs de différents secteurs et étudiants : l’Atelier populaire de l’ex école Beaux-arts en est probablement l’exemple le plus emblématique. Dans les usines, cette expérience aura constitué un héritage précieux et une influence importante pour d’autres combats, comme celui des ouvriers de l’usine LIP de Besançon.

Borbor

  1. Lange Gérard « L’exemple caennais ».