Ouvrez vos esgourdes camarades, le Comité Invisible revient nous livrer son constat(1) 10 ans après L’insurrection qui vient(2), et on peut dire qu’elle tarde à venir.
Pas de grands soirs à l’horizon, ou l’ombre d’une infime flammèche qui pourrait embraser le vieux monde. Pourtant on y a cru, 2016 aurait pu être le millésime El Khomri ! Hélas bien plus que l’embrasement tant espéré, c’est avec un goût amer que le comité analyse la situation actuelle.

Bien sûr, il y aura eu l’expérience Nuit Debout. Bien qu’avec un impact inégal sur l’ensemble de l’hexagone, le mouvement aura permis la réappropriation du politique par les sans-dents. Mais c’est par la récupération des politicards de tous bords, par ce que le comité nomme la « bureaucratie du micro » et l’impuissance des assemblées générales que l’expérience touchera à sa fin. Peut-être aurait-il fallu, pour que la mayonnaise prenne, que le collectif ne s’égare dans ce que certains appelleront des « assemblées sans fin » ? On pourra trouver à y redire, nous qui défendons l’AG comme la base de l’autogestion ! On saura apprécier la critique du manque de massification de la lutte sociale sur la durée, l’absence de la grève générale illimitée, mais également le manquement à la convergence des luttes.

Et il y avait l’émeute ! Ce moment crucial où les cris se confondent, les chants s’élèvent, les corps s’enlacent et s’affrontent dans la fumée des lacrymos et le flash des balls. Viennent alors les arrestations, les menaces, les comparutions immédiates, les condamnations et le cassage des militants. Il ne faut pas minimiser l’intervention des comités de soutien pour les copains en difficulté !! Sous couvert d’un État d’urgence devenu État de droit, la répression va bon train, facilitée parfois par un SO syndical trop occupé à tenir la procession manifestante telle une promenade dominicale. Pas question de se voir déranger par ces black blocks « qui défient l’autorité à cause d’un manque d’autorité paternelle » (merci M. Bruckner(3) ), ils tireraient toute la couverture sur eux. C’est qu’on l’aime notre défilé, drapeaux aux vents et goodies syndicaux sur la tête.

Le monde changera, enfin on l’espère. L’espoir, comme si un demain plus beau n’était qu’une idée folle qui se décidera par elle-même à venir. On oublie trop souvent que demain a été aujourd’hui, et que c’est en cet instant qu’il faut agir.
Alors que la tentation du bruit des bottes et des bergers allemands tentent 30 % de la population, il est bon de se rappeler qu’un autre monde est possible. Ce n’est pas par l’illusion de l’isoloir et le syndicalisme « jaune » que nous obtiendrons notre salut. Vous qui lisez ceci abandonnez tout espoir, levez-vous, l’heure est à l’action !!

I.S.P.

1. Maintenant, le Comité Invisible, 2017.
2. L’insurrection qui vient, le Comité invisible, Ed. La fabrique, 2007.
3. Émission Ce soir ou jamais, du 31 octobre 2014.