LE POING - Apériodique libertaire - Amiens

Le journal qui ne prend pas de gants

Étiquette : capitalisme

Wolfgang Streeck

Du temps acheté. La crise sans cesse ajournée du capitalisme démocratique.

Paris, Gallimard, 2014 [Suhrkamp Verlag, 2013]

 

Publié en 2013 et traduit en septembre 2014, l’ouvrage compile trois conférences augmentées de Wolfgang Streeck, sociologue allemand s’inscrivant dans les travaux de L’École de Franckfort. L’auteur analyse dans une perspective historique la triple crise actuelle (crise bancaire, crise fiscale et crise de la croissance économique), telle qu’elle est apparue sous ses traits les plus saillants en 2008, comme un état avancé du processus de dissociation de la démocratie et du capitalisme. L’ajournement répété de la crise du capitalisme démocratique d’après-guerre a été rendu possible en gagnant du temps à l’aide d’argent. L’achat d’une paix sociale par différents mécanismes successifs de production monétaire d’illusions décroissance et de prospérité (inflation, endettement public, endettement privé, puis achat des dettes étatiques et bancaires par les banques centrales) a été engendré par la libération progressive de l’économie capitaliste des interventions politiques. Continuer la lecture

Dans le futur, nous ne serons plus victimes des campagnes de pub

Août 2014 : enfin les vacances ! Voyager, sortir des frontières,découvrir d’autres régions du monde, aller à la rencontre d’autres peuples, se dépayser. Et par chance, aujourd’hui, prendre l’avion, connaître une fois de plus le bonheur de passer à travers les nuages pour se retrouver très haut dans le ciel, où il y a toujours du soleil.

Une joie un peu gâchée par la campagne de pub « Dans le futur », de la banque HSBC, qui défigure depuis deux ans déjà les couloirs du terminal 2 de l’aéroport de Roissy. Je les avais oubliées, mais impossible d’y échapper, ces maudites affiches sont partout… « Dans le futur, chaîne alimentaire et chaîne d’approvisionnement ne feront qu’une » légende une photo de poisson… tatoué d’une code-barres. « Dans le futur, tous les déchets seront source d’énergie », est écrit au-dessus d’éoliennes faites… d’épluchures de banane. « Dans le futur, l’éducation pourrait être votre meilleure source d’investissement », est un manifeste pour la privatisation de l’enseignement.

Un véritable concentré de propagande néolibérale. Qui regorge, qui plus est, et en toute logique, de stéréotypes : « Un jour, tous les marchés auront émergé » accompagne trois poupées russes de types raciaux différents… mais sans femmes noires. « Dans le futur, la succession s’organisera dès la naissance » est illustré par une paire de chaussons pour nourrissons… masculins et riches, leur modèle étant celui de coûteuses chaussures d’hommes d’affaires…

Durant l’attente en porte d’embarquement, je me demande dans un premier temps dans quel cerveau malade sont nés ces slogans et ces images. Mais non, ils sont justement l’expression évidente de leurs commanditaires.

Je ne peux m’empêcher de penser que la grande escroquerie du capitalisme a été de faire croire que les idéologies étaient mortes, à commencer par les utopies progressistes, toutes soupçonnées de porter en leur sein la graine du totalitarisme.Le vrai tour de passe-passe a été d’y substituer un véritable programme idéologique (et totalisant, sinon totalitaire) sous couvert de pragmatisme, en récupérant le moindre élan de contestation dans l’industrie culturelle. Dans l’aéroport, où nous sommes tous contrôlés et sur6veillés à chaque point de passage, il apparaît clairement que cette liberté de circulation ne concerne que les capitaux. La mondialisation contre l’internationalisme. Deux courants de pensée pour lesquels la nécessité de voyager repose sur des motivations radicalement différentes.

Et les affiches suivent les passagers jusqu’à l’intérieur de la passerelle qui mène à l’avion… Je songe à une contre-campagne avec des têtes de mort ornées de code-barres avec un slogan au-tour de la supposée fin de l’histoire, parce que le futur qu’HSBC prépare n’est autre que celui de la guerre et de la barbarie. Un sentiment d’impuissance me gagne face à l’effet normatif de cette campagne. Enfin dans l’appareil, mieux vaut,pour l’heure, laisser tout ça derrière soi : il est grand temps de décoller, de reprendre des forces,et de s’enrichir humainement…

Syndicat des petites mains